Lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme : Quelles obligations pour l'expert-comptable?

Par Ibrahima Diop, Responsable qualité & Risque chez PCo. Partners

Le présent article s'inscrit dans la trajectoire de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Il circonscrit la problématique dans le contexte du métier d'expertise comptable au Sénégal en rappelant les obligations que la loi sur le blanchiment des capitaux et financement du terrorisme  impose aux experts comptables afin qu’ils puissent se prémunir d’un certain nombre de risques.


Dans le cadre des actions menées par la communauté internationale en vue de lutter efficacement contre la criminalité financière, le conseil des ministres de l’UEMOA a adopté  la décision N°26: CM/UEMOA du 02 juillet 2015  portant  adoption du projet de loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme dans les Etats membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest africain. 

Le Sénégal a donné une suite favorable à ce projet en procédant à l'adoption de la loi N°2018 –03 du 13 février 2018 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Lutter contre ces deux formes de criminalités financière reste un grand défi dans lequel la prééminence du rôle joué par les acteurs concernés n’est pas à justifier. Au-delà des organismes de règlementation, les assujettis contribuent pleinement à l'atteinte des objectifs. 

C'est notamment le cas des experts comptables qui doivent jouer leur partition dans ce combat. Les professionnels de l'expertise comptable sont d'autant plus concernés qu'ils doivent se prémunir d'un certain nombre de risques comme des possibilités de poursuites pénales, d'amendes, de peines d'emprisonnement, d'interdiction d'exercer mais aussi de ternir leur image ou celui de la profession. Pour permettre aux experts comptables de se prémunir contre de pareils risques, la loi en question leur dicte des obligations.

Obligation de vigilance         

L’obligation de vigilance par rapport à la clientèle exige au professionnel de l’expertise comptable de procéder à l’identification du client et au cas échéant du bénéficiaire effectif  lors de l’établissement de la relation d’affaire. Cette obligation de vigilance doit être constante tout au long de la relation d’affaire, et sur toutes les opérations du client. Une attention particulière doit être faite par l’expert-comptable lorsqu’il exécute des opérations avec un client  qui n’est pas physiquement présent aux fins d’identification ou lorsqu’il traite avec des personnes politiquement exposées (PPE) et en conséquence prendre des mesures spécifiques.

Obligation de formation et d’information du personnel         

Les experts comptables assurent la formation et l’information régulière de leurs personnels en vue du  respect des obligations prévues par la loi.

Obligation de documenter              

Les experts comptables doivent conserver les pièces et documents  relatifs à l’identité de leurs clients habituels ou occasionnels ainsi que les pièces et documents relatifs aux opérations qu’ils ont effectuées afin de les communiquer, au besoin, aux autorités judiciaires et aux agents de l’Etat chargés de la détection des infractions de blanchiment des capitaux et de financement du  terrorisme agissant dans le cadre d’un mandat judiciaire, ainsi qu’aux autorités de contrôle et à la CENTIF. 

Obligation de déclaration des soupçons                                    

Les experts comptables  sont tenus de déclarer à la CENTIF, dans les conditions fixées par la loi, les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont ils soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction de blanchiment des capitaux ou de financement du  terrorisme.

Le respect des obligations dictées par la loi permet aux professionnels de l’expertise comptable de se prémunir contre les risques de délit voire de répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme.    

Cependant, dans l’optique de la vigilance, il est à noter que le dispositif légal n’intègre pas une approche par les risques notamment à travers une analyse graduée du risque de blanchiment attaché au profil des clients, des produits, et des opérations

En application des dispositions de l’article 25 de la loi sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, il appartient à l’ordre nationale des experts comptables et des comptables agréés du Sénégal (ONECCA) de définir une norme d’exercice professionnel intégrant les modalités de conception et de mise en œuvre des procédures et mesures de contrôle interne de lutte de contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme au sein des structures d’exercice professionnel.